Le cas de D.S. – “Derrière le ciel éteint”

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Le cas de D.S. – “Derrière le ciel éteint”

Du point de vue médical le cas de D.S. est très particulier et intéressant car il s’agit :

  • – d’une pathologie rare
  • – d’une pathologie congénitale
  • – avec une manifestation atypique
  • – un diagnostic controversé, sujet de polémique entre spécialistes de plusieurs pays, spécialistes qui même en présent n’ont pas réussi a finir par un consensus
  • – un pronostic péjoratif, voire sombre
  • – une atteinte binoculaire
  • – l’âge très précoce du début de la maladie (nouveau-né) 

L’historique de la maladie

J’ai suivi ce cas au long de 10 ans, la découverte de cette pathologie remonte à l’année 2004 quand j’ai vu le nourrisson à son âge de 4 mois.  Je suis le premier ophtalmo qui a consulté Diane et j’ai tout de suite posé le diagnostic de Persistance de Vitré Primitif Hyperplastique (Persistent Hyperplastic Primary Vitreous) ou Fibroplastie retrolentale, avec, comme diagnostic différentiel et deuxième hypothèse de travail Rétinopathie de prématurité (ROP), forme atypique.

En février 2004, à Bucarest, le médecin obstétricien qui a effectué la césarienne de la maman de Diane me sollicite pour une consultation ophtalmologique post-natale de contrôle d’un nourrisson né prémature et exposé à l’oxygénothérapie nécessaire à sa survie.

Même avant d’examiner le nourrisson à l’ophtalmoscope, j’ai remarqué un reflet gris-blanchâtre, opaque, de la pupille – la leukocorie –

le signe pathognomonique d’opacification de milieux oculaires transparents, la marque de pathologies congénitales comme ROP ou PHPV, et comme diagnostic différentiel un granulome de Toxocara, rétinoblastome très précoce, cataracte congénitale.

Étant donné l’âge très précoce de la manifestation de cette maladie (4 mois), mon diagnostic allait plutôt vers un PHPV (ou ROP très précoce).

Au fil des années et à travers plusieurs hôpitaux ces deux diagnostics également plausible et le dilemme de les départager ont tracé le parcours de combattant de l’enfant et sa maman, un parcours sinueux et éprouvant entre 5 pays, plusieurs hôpitaux, plusieurs professeurs et a  fait un sujet de controverse scientifique jusqu’au présent, à 15 ans distance.

Comme le pronostic très péjoratif est le même pour les deux pathologies et comme dans les stades très évolués le tableau clinique est le même, les limites du traitement sont les mêmes, cette controverse de spécialité garde son coté d’exploit purement scientifique.

Dans la vraie vie – et ce qui compte au fond, en médecine comme en psychologie c’est toujours la réalité du patient- le handicap visuel est lourd, que ce soit l’hypothèse diagnostique, avec tout son cortège de souffrance, adaptation du quotidien, acceptation de la famille. Sans oublier la tourmente de sa mère qui doit assumer un chemin éprouvant et qui doit passer au-delà de sa blessure narcissique.

Car toute pathologie lourde et handicapante de son enfant entraine toujours une blessure narcissique à ses parents, quel que soit le milieu social, le niveau d’éducation, la profession.

La Persistance de Vitré Primitif Hyperplastique PHPV c’est une pathologie congénitale, unilatérale dans 90% de cas et on la voit plutôt dans les yeux microphtalmes – pas le cas de Diane.

La maladie est caractérisée par la présence d’une masse retro-lenticulaire opaque, masse dans laquelle des procès ciliaires allongés sont englobés et insérés. Avec le temps, cette masse fibrogliale retrolentale commence à se contracter dans un sens centripète – de la périphérie vers son centre. Cette contraction entraine le décollement rétinien total, la déhiscence de la capsule postérieure du cristallin avec, comme conséquence, une cataracte secondaire et un glaucome secondaire.

Maladie congénitale, le mécanisme physiopathologique c’est le manque de maturation du corps vitreux. Le vitré ne se développe pas, il y a un arrêt de son développement naturel, ce vitré garde toutes les caractéristiques fœtales, datant de la période intra-utérine. Il est opaque, hyperplastique, vascularisé.

Normalement, avec le temps, le vitré devient de plus en plus transparent, la vascularisation intra-vitréenne fœtale se résorbe, les vaisseaux hyalines intra-vitréennes disparaissent, laissant place à une organisation lamellaire du vitré. Ces lamelles parallèles assurent la propagation de la lumière vers la rétine, avec un minimum de réfraction.

Dans la PHPV l’anomalie fondamentale consiste en une persistance et une hypertrophie du vitré immature, fœtal, encore vascularisé et encore opaque. Ce tissu pathologique commence à proliférer, à s’étaler, à croitre et à augmenter son volume, en dépit de structures oculaires adjacentes normales, qui sont englobées dans cette masse hypertrophiée.

Ce processus atteint la rétine périphérique, le cristallin, les procès ciliaires, l’angle Irido-cornéen. Il y a une traction centripète qui tire vers le centre de ce vitré pathologique les structures adjacentes, voisines, à mesure que l’œil se développe. Au final, ce qui résulte c’est une masse centrale opaque, fibro-vasculaire, retro-lentale, masse tellement importante qu’on peut l’apercevoir dans l’orifice pupillaire comme un reflet gris-blanchâtre opaque – leukocorie.

Morpho pathologie :

Les lésions initiales intéressent le corps vitreux – avec sa structure lamellaire desorganisé par le tissu fibroplastique prolifératif, et la transparence du vitre compromise par le tissu opaque. Ensuite, c’est le corps ciliaire qui est touché, le procès ciliaire, ensuite la rétine périphérique qui souffre une traction centripète vers le centre du globe, a mesure que le tissu prolifératif se contracte. Le cristallin est touché aussi avec la déhiscence de la capsule postérieure et l’apparition d’une cataracte compliquée.

L’angle irido-cornéen est aussi concerné, il se resserre  à mesure que la masse fibroplastique se contracte.

Le glaucome secondaire qui résulte présente deux mécanismes :

  • un glaucome secondaire à angle étroit du à la contraction de la masse fibroplastique vitréenne
  • un glaucome secondaire neovasculaire car la masse vitréenne initialement fibroblastique devient une masse fibrovasculaire

Embryologie :

L’organe visuel est l’organe qui pendant la vie intra-utérine devient mature le plus tard chronologiquement. Cette maturation tardive le rend très sensible aux pathologies en cas de prématurité.

Le vitré primitif commence à se structurer au début de la troisième semaine de la vie embryonnaire, il est opaque, riche en colagen et en glycosamino-glycans GAG.

Dans la sixième semaine de développement embryonnaire ce vitré primitif est envahi par des vaisseaux sanguines, dont résulte plus tard l’artère hyaloïde et les vaisseaux hyaloïdes. Ce vitré embryonnaire de la 6eme semaine représente le vitré anormal, présent à la naissance d’un enfant qui est touché par la maladie PHPV. Il s’agit donc d’un processus d’immaturité, d’arrêt de développement, de blocage de croissance et de blocage de différentiation des organes. Ce processus pathologique à sa symbolique psychologique

Dr Oana MIHAI, Médecin référent CDS Ophtalmologique – SOS OPHTALMO